Un employeur ne peut pas se fonder sur la demande de résiliation judiciaire d’un salarié pour le licencier. Sinon, il porte atteinte à la liberté fondamentale du salarié d’ester en justice. Dans une telle situation, le licenciement est donc nul, rappelle la Cour de cassation le 13 février 2019.

Peut-on licencier un salarié en lui reprochant – notamment – d’avoir voulu… rompre son contrat ? C’est l’affaire qui a été soumise à la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 février dernier. Dans cet arrêt, les juges confirment que l’employeur – en licenciant le salarié – porte atteinte à sa liberté fondamentale d’agir en justice.Demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail

Le directeur commercial et marketing d’une société et de ses filiales – par ailleurs associé minoritaire avec 8 % des parts de la société – crée parallèlement sa propre société avec l’autorisation de son employeur. Cette nouvelle société devait devenir – à terme – partenaire de l’entreprise. Son employeur ajuste ainsi son emploi du temps afin de lui laisser le temps nécessaire pour le faire.

Mais la relation entre le salarié et l’employeur se dégrade. L’employeur met en demeure le salarié, les 29 septembre et 4 octobre 2010, de venir sur le lieux de travail. Le salarié ne s’exécute que le 11 octobre et – encore – le salarié et l’employeur n’ont pas la même version des faits. L’employeur soutient que le salarié n’est pas resté à son poste.

Quelques mois plus tard, le salarié saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir – en référé – la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur. Il invoque notamment le non-paiement de primes. Le conseil de prud’hommes se déclare incompétent. L’employeur le licencie pour faute grave quelque semaines plus tard.Licenciement du salarié pour faute grave

Au coeur de l’affaire, la question de l’action en justice du salarié en tant que motif valable de licenciement. Un employeur peut-il rompre le contrat de travail d’un salarié en lui reprochant – notamment – d’avoir saisi la justice pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail ? L’employeur porte-t-il atteinte à une liberté fondamentale du salarié en agissant ainsi ?

La cour d’appel ne le pense pas et se place uniquement sur le terrain de la réalisation de la prestation de travail du salarié. Elle estime que le licenciement du salarié repose bien sur une cause réelle et sérieuse et rejette la demande de nullité du licenciement.

Les juges soulignent que, même si le salarié bénéficiait d’une « grande liberté d’action » pour créer sa nouvelle société, il ne bénéficiait pas pour autant « d’une dispense d’exercer ses fonctions, ni d’un congé sabbatique ». L’employeur soutenait ainsi que le salarié avait remis en cause unilatéralement les accords entre eux sur l’aménagement du temps de travail.Violation de la liberté fondamentale d’ester en justice

La Cour de cassation n’est pas de cet avis et se déplace sur le terrain des libertés fondamentales. Elle retient l’argumentaire du salarié selon lequel, le véritable motif de licenciement est le fait d’avoir engagé une action contentieuse. Elle retient ainsi que, dans sa lettre de licenciement, l’employeur reprochait au salarié d’avoir saisi le juge des référés en résiliation judiciaire du contrat de travail à l’encontre de la société.

Cette seule référence dans la lettre de licenciement, insiste la Cour de cassation, à une procédure contentieuse engagée par le salarié « était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice ». Dès lors, en concluent les juges, le licenciement ne pouvait dès lors pas être fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se prononce en ce sens.

► Rappelons que désormais, en application des ordonnances du 22 septembre 2017, un barème d’indemnités de licenciement s’applique aux licenciements sans cause réelle et sérieuse, sauf en cas – notamment – de licenciements nuls pour violation d’une liberté fondamentale. Cet arrêt donne un exemple de liberté fondamentale du salarié : le droit d’ester en justice.

Source – Actuel Expert-Comptable